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Économie

La production mondiale du surplus

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État

Les économies structurent les civilisations

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Monnaie

La monétisation
des routes de la soie

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Banque

La bancarisation dématérialise la monnaie

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Finance

Les révolutions préparent la financiarisation

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Industrie

L'industrie du littoral Atlantique Nord

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Asie

Décolonisation
de
l'après-guerre

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Énergie

La problématique énergétique de la globalisation

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Nucléaire Chocs pétroliers FMN & IDE Mix énergétique


Nucléaire


Au milieu du XX ème siècle, la fission nucléaire fournit de l’électricité selon un système relativement rustique dans lequel la vapeur d’eau, obtenue grâce à la chaleur de la réaction nucléaire, entraîne la rotation d’une turbine couplée à un alternateur. C’est sur ce modèle que l’Union soviétique connecte sa centrale nucléaire d’Obninsk à son réseau électrique l’année 1954 avant d’être suivie par le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique et la République française. Et comme ce fut le cas avec la vapeur produite à partir du charbon, celle née de la fission nucléaire transformera l’économie.



Le premier radio transistor «Made in Japan» Sony TR-55
L’industrialisation du Pacifique se fera donc au gré de l'évolution technologique des applications électriques pour lesquels on différencie les concepteurs américains des unités de production asiatiques. Ainsi, dès l’année 1955, l’entreprise japonaise Sony Corporation commercialise le premier récepteur radio miniature grâce à l'exploitation d'une licence américaine de fabrication de transistors. À ses débuts, la technologie nucléaire paraît si prometteuse qu’elle semble pouvoir tout révolutionner, y compris les transports. À la fin de la guerre de Corée, la marine américaine met par exemple à la mer un premier sous-marin à propulsion nucléaire avant que la marine soviétique ne lance son brise-glace Lénine à propulsion nucléaire. Néanmoins, des difficultés ne tardent pas à venir. Alors que la propulsion nucléaire est adaptée aux sous-marins, aux porte-avions ou aux croiseurs, les cargos civils Otto Hahn, Mutsu et NS Savannah sont des échecs. Car, malgré une autonomie de trois cent mille miles nautiques pour un seul chargement nucléaire, la propulsion nucléaire leur interdit l’accès aux ports des lignes marchandes les plus rentables. Du fait de son assimilation à un transport de matières dangereuses, la propulsion nucléaire doit dès lors se limiter au domaine militaire et, là encore, des restrictions existent. Le réacteur nucléaire à sels fondus du bombardier Convair X-6 a beau fonctionner pendant quatre-vingt-neuf heures ininterrompues, le programme Aircraft Nuclear Propulsion de l’United States Air Force s’arrête là. Et dans la foulée l’United States Air Force abandonne la construction de son second bombardier nucléaire équipé d’un système propulsif complet.

La fusée porteuse R-7 Semiorka
En fait, à partir d’octobre 1957, date du lancement du premier satellite artificiel soviétique, la conquête spatiale paraît accaparer toutes les volontés. La réussite de Spoutnik 1 est cependant toute relative, car, d’une part, le premier missile balistique intercontinental (I.C.B.M.), autrement dit sa fusée porteuse R-7 Semiorka, ne restera pas longtemps en service et, d’autre part, les autorités américaines avaient déjà rejeté le projet Orbiter ambitionnant de lancer un satellite artificiel. À ce propos, il est indubitable que le programme spatial américain bénéficie d’un long savoir-faire hérité du complexe militaro-industriel national-socialiste, à l’instar des propulseurs du lanceur de fusées intercontinentales Amerika rakete A 10. La Joint Intelligence Objectives Agency ayant, entre autres, exfiltré près de mille cinq cents scientifiques nationaux-socialistes au cours de son opération Paperclip à la fin de la Seconde guerre mondiale. Le département de la Défense des États-Unis d’Amérique ayant ensuite confié la direction de ces principaux programmes de recherche à d’anciens nationaux-socialistes comme Kurt Blome ou Wernher von Braun. Voilà comment, dès novembre 1958, l’Army Ballistic Missile Agency parvient à lancer son I.C.B.M SM-65 Atlas d’une portée d’environ dix mille kilomètres alors que son stock nucléaire est dix fois supérieur en puissance à celui de l’Union soviétique.

Or, désireuse de combler ce gap, celle-ci s’engage dans une course aux armements nucléaires sous l’impulsion de son premier secrétaire du Comité central du Parti communiste Nikita Khrouchtchev. Ce collaborateur dévoué à Staline dont le zèle durant les Grandes Purges et les Procès de Moscou n’échappait à personne ; Puisqu’il y proclamait que «tous ceux qui se réjouissent des succès de notre pays, des victoires de notre parti mené par le grand Staline, ne trouveront qu’un seul mot convenable pour les mercenaires, les chiens fascistes du gang zinovievo-trotskiste. Ce mot est exécution». Des accusations qui ne l’empêchèrent pourtant pas d’être un farouche partisan de la «déstalinisation» après la mort du «Père des peuples» pour s’emparer du pouvoir. D'ailleurs, sa politique étrangère sera tout autant fluctuante. Le soutien qu’il apporte aux deux premiers plans quinquennaux de la R.P.C. témoigne effectivement de cette versatilité. Tout d’abord, le premier plan quinquennal a beau être élaboré conjointement avec la R.P.C., il ne s’encombre pas des fondements économiques et sacrifie l’agriculture au profit de l’industrie lourde. Le peu d’excédents agricoles qu’il dégage nuit au ravitaillement d’une population chinoise toujours plus nombreuse sans pourvoir au financement industriel. L’aide financière soviétique ne suffit pas et la R.P.C doit s’imposer une drastique réduction des rations alimentaires tout en achetant du blé aux canadiens. Sa seule consolation étant peut-être les milliers d’experts scientifiques soviétiques missionnés pour son armement atomique. Toujours est-il que le second plan quinquennal qu’elle met en œuvre, dont le «Grand Bond en avant» (G.B.A.) définit les objectifs, ne fait qu’accroître les difficultés nées du précédent. La détérioration de l’outil de production entraîne une surproduction de biens industriels de mauvaise qualité, puis une pénurie de matières premières et, finalement, de nourriture. Tout cela menant le Grand Timonier à démissionner de la présidence de la R.P.C. au profit de Liu Shaoqi en avril 1959.

C’est dire si l’Union soviétique choisit inopportunément son moment pour retirer tous ses scientifiques atomiques et stopper son aide financière en juin 1959, avant que la grande famine qui s’ensuit ne tue vingt-deux millions d’individus selon l’agence publique du Conseil des affaires de l’État chinois. Toutefois, Khrouchtchev ne paraît pas très affecté par ces «Trois années de catastrophes naturelles» et en profite pour se rapprocher de la République arabe Unie et de Cuba. L’Union soviétique finance par exemple le barrage d’Assouan à hauteur de quatre cent quarante millions de $ tout en fournissant deux mille techniciens à sa construction. Quant à la coopération avec la République de Cuba, là où le communisme fut long à être décidé, elle est encore bien plus avancée. Cette coopération n’était pas si évidente, car, d’une part, les États-Unis d’Amérique avaient été les premiers à indirectement soutenir les révolutionnaires et, d’autre part, l’histoire personnel du leader révolutionnaire Fidel Castro ne relevait pas d’un communisme précoce. Ce juriste de formation ne devait sa première tribune politique qu’à son attaque manquée sur la caserne de Moncada qui, malgré une condamnation à quinze années de prison, l’avait amené à collecter des fonds à Miami, Philadelphie et New York après dix-huit mois de détention. Du reste, pendant qu’il menait une guérilla dans la Sierra Maestra, l’administration américaine arrêtait ses livraisons d’armes à destination de Cuba. Bref, il rencontra le vice-président Richard Nixon à Washington D.C. et aucun rapprochement cubano-soviétique n’intervint avant sa réforme agraire limitant la superficie des propriétés privées tout en la réservant aux seuls cubains. En fait, le socialisme à la cubaine naît seulement avec l’expropriation des entreprises américaines et la rupture des liens diplomatiques, soit deux semaines avant l’investiture à la présidence de John Fitzgerald Kennedy.

L’entente cubano-soviétique entérine ainsi la rupture sino-soviétique de janvier 1960. L’échec du débarquement d’exilés cubains à la baie des Cochons conforte ensuite ce cubano-soviétisme pour que, dès mars 1962, ces guérilleros puissent fonder le Parti unifié de la révolution socialiste cubaine. Khrouchtchev entend également leur apporter tout son soutien en déclenchant l’Opération Anadyr deux mois plus tard : Quarante-sept mille soldats, quarante avions de combat MiG-21, vingt-quatre bombardiers Iliouchine Il-28, quatre sous-marins et surtout trente-huit missiles balistiques à tête nucléaire atterrissent comme cela sur l’île de Cuba. Mais la versatilité de Khrouchtchev aide bien les américains qui, face à l’imminence du péril, le convainquent de retirer ses armes. Enfin, à l’exception notable de la République française, les États se retrouvent le 8 août 1963 pour signer un Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires dans l’atmosphère, l’espace aquatique ou extra-atmosphérique.

Toutefois, ce même jour, la République de l’Inde signe ce Traité tout en concluant un accord de coopération nucléaire avec les États-Unis d’Amérique et l’Agence internationale de l’énergie atomique. Ces conventions stipulent que les entreprises Bechtel et General Electric doivent non seulement construire la centrale nucléaire de Tarapur à Maharashtra, mais qu’elles doivent aussi fournir le minerai d’uranium. Par conséquent, tout ceci prête à confusion, car «la nature unique du programme indien crée des liens entre les programmes civils et militaires sur la globalité du cycle du combustible nucléaire». En clair, la relative rareté du combustible nucléaire incitera les autorités indiennes à se servir des déchets de leurs installations civils comme lors du test atomique «Bouddha souriant». Par ailleurs, ces accords ne sont pas uniques, puisque l’Atoms for Peace programm de l’United States Atomic Energy Commission met le nucléaire à la disposition de l’Israel Atomic Energy commission et du Pakistan Institute of Nuclear Science and Technology. De plus, l’objectif initial d’expérimentation scientifique du réacteur pakistanais PARR-I est vite supplanté par la conclusion d’un accord pour lequel General Electric of Canada s’engage à construire un réacteur nucléaire de type Candu-KANUPP-I. Et d’aucuns ne considèrent comme une transgression, voire une prolifération nucléaire, ce transfert technologique d’une puissance de 137 mégawatts capable de produire en quantité du plutonium 139.

D’aucuns mis à part la R.P.C. qui ne peut accepter d’être de la sorte isolée. Son ostracisation du bloc communiste avait détruit son embryon d’industrialisation et la grande famine l’obligeait à importer six cent mille tonnes de maïs d’Afrique du Sud. Du coup, la reprise de son programme nucléaire ressemble à une revanche d’autant plus que les combats entre la République du Viêt Nam et le Front populaire pour la libération du Sud du Viêt Nam (F.N.L.) font l’objet d’une graduelle intervention étrangère. Le président Kennedy a pour cela dépêché quatre cents soldats des Forces spéciales, puis quinze mille soldats, sans jamais affirmer vouloir en limiter le nombre. Du reste, sa reconnaissance immédiate du coup d’État militaire en République du Viêt Nam le 1er novembre 1963 engendre de telles difficultés qu’elle amène le Congrès des États-Unis d’Amérique à voter l’intensification de son action militaire en août 1964. Voilà pourquoi, le 16 octobre 1964, le système implosif à l’uranium 235 répond très certainement à l’arrivée massive de soldats américains sur le continent asiatique. Et la «démission volontaire» de Khrouchtchev au lendemain de cet essai nucléaire 596 n’est peut-être pas une coïncidence. L’explosion thermonucléaire chinoise du 17 juin 1967 est même à posteriori encore plus exceptionnelle, du fait qu’aucune puissance industrielle n’est parvenue à obtenir si rapidement cette bombe. Cinq ans à peine après les désastres du G.B.A., et un an avant la République française, la R.P.C. dispose d’une technologie à laquelle seules quelques grandes puissances ont accès. Pour cela, les scientifiques chinois ont bénéficié des meilleurs enseignements dans des universités britanniques (Peng Huanwu, Université d’Édimbourg sous la direction de Max Born, 1945), françaises (Qian Sanqiang, Collège de France sous la direction d’Irène et Frédéric Joliot-curie, 1948) ou américaines (Deng Jiaxan, Université Purdue, 1950). Les plus éminents d’entre eux, tels que Wang Ganchang (Université Humboldt de Berlin, 1934) ou Wang Pu (Kaiser-Wilhelm-Gesellschaft, 1938), ayant étudié sous la direction de Lise Meitner.

Cette puissance nucléaire chinoise donne les coudées franches à la RPC pour soutenir la République démocratique du Viêt Nam opposée à près de deux millions de soldats américains et plus de cinquante mille soldats australiens. Le ministère des Affaires étrangères chinois le confirmera plus tard en déclarant avoir incorporé plus de trois cent mille soldats dévolus à la lutte antiaérienne, la logistique et le génie militaire. Le conseil militaire soviétique se limitant quant à lui à six mille cinq cents spécialistes de la lutte antiaérienne. Et bien mieux que le G.B.A., cette guerre lance vraiment l’industrialisation chinoise à travers la fabrication de copies d’armes soviétiques ou la construction de pistes aériennes, d’abris aériens souterrains, de gares ferroviaires, de voies ferrées, de tunnels ferroviaires, de ponts et de lignes téléphoniques. Le budget de la Défense de la R.P.C. atteint comme cela une somme cinq fois supérieure au budget britannique pour approvisionner le F.N.L. de plus de quatre mille pièces d’artillerie, deux cent vingt mille fusils et des millions de munitions. Dans les mêmes proportions, à cause de ses bombardements incessants, le budget de la Défense des États-Unis d’Amérique représente un maximum de 9,5 % du P.I.B., car Les armées américaines larguent sur la seule péninsule indochinoise deux fois plus de bombes que les forces alliées sur tous les fronts de la Seconde Guerre mondiale.




Chocs pétroliers


Toutes ces commandes militaires, auxquelles s’ajoutent les premières importations asiatiques, finissent donc par creuser un premier déficit commercial aux États-Unis d’Amérique. À tel point que l’augmentation des exportations japonaises donne lieu au Boom Izanagi, à savoir une croissance économique japonaise ininterrompue pendant cinquante-sept mois consécutifs. Au demeurant, dès mars 1968, face à la conversion en or des $ détenus par les économies étrangères, les autorités américaines décident d’abandonner le système monétaire de Bretton Woods pour réserver la convertibilité du $ aux seules banques centrales. La libéralisation du commerce avec la R.P.C. en avril 1971 inscrit ensuite ce fait dans la durée avant que la résolution 2758 des Nations unies n’admette la R.P.C. comme membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en octobre 1971. Notons que cette résolution prévoit en contrepartie l’expulsion immédiate de la République de Chine et que cent cinquante mille soldats américains combattent toujours en République du Viêt Nam. Et dès le second trimestre de l’année 1971, le déficit du commerce extérieur américain pousse l’accord du Smithsonian Institute à supprimer toute convertibilité en or du $. La disparition des parités fixes au profit du régime des changes flottants pose cependant un grand problème à la Communauté économique européenne (C.E.E.) qui s’oblige seule à maintenir des fluctuations monétaires inférieures à 2,25 % entre toutes ses monnaies. Bref, le point d’équilibre de l’économie mondiale, qui se situait jusqu’alors en Atlantique, glisse dans la zone pacifique.

Des caractéristiques économiques qui subsisteront, au moins jusqu’à la fin du siècle, et s’inscriront d’autant plus dans la durée que les prix pétroliers et le volume des importations pétrolières américaines ne cesseront d’augmenter. Ce phénomène avait pourtant été largement anticipé par l’American Petroleum Institute, au milieu du XX ème siècle, quand le géophysicien Hubbert avait déterminé avec justesse l’année 1970 comme un maximum de la production pétrolière américaine. Et, quand bien même les gisements d’Alaska ou les plates-formes pétrolières du golfe du Mexique atteignent un seuil de rentabilité à partir de cette date, les États-Unis d’Amérique importent de plus en plus de pétrole à un prix de plus en plus élevé. Mais selon le rapport The limits to growth du Massachusetts institute of technologie (M.I.T.) publié au cours de ce premier choc pétrolier, cette trop grande dépendance aux combustibles fossiles peut tout autant être un frein à l’économie américaine qu’à l’industrialisation du Pacifique. Plus précisément, ses projections économiques, qui correspondent aux statistiques mondiales du début du XXI ème siècle, anticipent l’imminence d’une pénurie énergétique. Le Commonwealth scientific and industrial research organisation (C.S.I.R.O.) ajoutant que la production agricole, la production industrielle, la natalité, la mortalité, la pollution et la consommation de matières premières sont celles d’un système économique «business as usual». Cette situation déficitaire n’est cependant pas complètement négative pour les États-Unis d’Amérique dans la mesure où elle stimule d’importantes émissions monétaires utiles à l’accroissement du commerce mondial. L’industrialisation du Pacifique révèle effectivement cette problématique liée au paradoxe monétaire du «dilemme de Triffin». Autrement dit, les importations asiatiques et pétrolières font affluer les dollars américains à l’étranger, mais cet édifice pourrait s’écrouler si la dette extérieure américaine venait à augmenter trop vite. Cette dernière engendrerait la méfiance des agents économiques, à plus ou moins brève échéance, et déprécierait la «qualité mondiale» de la monnaie.

Mais pour l’instant, ces chocs pétroliers montrent surtout les faiblesses des administrations atlantiques. Ainsi, dès septembre 1975, les mesures prises par la République française, que ce soit la hausse des investissements publics, la réduction d’impôts aux entreprises, la création d’aides sociales, la quasi suppression du coefficient des réserves obligatoires des banques et la garantie d’emprunt de l’investissement des P.M.E., n’ont pas enrayé la stagnation économique. Le secteur sidérurgique européen connaît en particulier d’importantes difficultés à cause des surinvestissements massifs qu’il a engagés juste avant le choc pétrolier. Les prix minimums sur les produits les plus concurrentiels ou les quotas de production, réclamés par les États de la C.E.E., ne compensent pas plus l’augmentation des capacités de production industrielle. La «solution» française n’ayant plus comme ambition que de transférer les deux tiers de la dette des entreprises sidérurgiques à la charge du contribuable. Bref, toute l’activité économique stagne dans cette région atlantique exclue du boom démographique mondial.



L’économie américaine doit elle aussi faire face aux difficultés de son secteur sidérurgique et, dans une moindre mesure, de son secteur bancaire. L’heure est à la restriction monétaire comme le comprend la Bank of America qui refuse, malgré la garantie de l’Union soviétique, de renouveler l’emprunt du Conseil d’aide économique mutuelle (C.O.M.E.C.O.N.). Le Federal Reserve Board relève même ses taux de base bancaire à plus de 10 % et les administrations européennes suivent le même mouvement. Mais, une fois de plus, les résultats n'arrivent pas. La République française a beau mettre en œuvre le plan Barre prévoyant la réduction du déficit budgétaire comme la maîtrise de l’inflation ; elle n’obtient pas plus de réussite économique que les précédentes mesures déficitaires.

Les cours du pétrole du I er au III ème choc pétrolierLe IIIème boom démographique mondial

On ne sait donc plus vraiment quelle politique serait efficace quand les entreprises pointent du doigt l’insuffisante rentabilité de la zone atlantique et déclenchent des licenciements massifs. Selon elles, le modèle de gestion financière doit changer et s'informatiser. L’informatique serait la technologie du retour à la performance, même si ce sont le Japon et la Silicon Valley qui profiteront prioritairement de cette «nouvelle» économie. En effet, ces régions mettent quelquefois en commun leurs compétences comme lorsque le fabricant japonais de calculatrices Busicom s'associe à la société américaine Intel pour concevoir le premier microprocesseur. Puis, le micro-ordinateur Apple I leur réplique en avril 1976. La commercialisation en masse de ces micro-ordinateurs individuels explosera ensuite à l’échelle mondiale avec l’invention du réseau informatique Advanced research projects agency network (A.R.P.A.N.E.T.) de la Defense advanced research projects agency qui exploitera la suite TCP/IP (Transmission control protocol/Internet protocol), bientôt à la base des transferts de donnés du futur réseau mondial Internet. Celui-ci unifiera les techniques de connexion et raccordera à distance les ordinateurs personnels des différents constructeurs. Autre exemple significatif, le coût des réacteurs General Electric de l’avion Airbus A-300, auquel s’ajoute l’électronique de bord non européen, représente un pourcentage supérieur aux produits de la C.E.E. dans les coûts finaux de production. Airbus ne pouvant le produire pendant plus de trente ans qu’en maîtrisant au mieux ses coûts de revient issus de ses approvisionnements européens.

Car l'informatique entraîne de profondes mutations dans le domaine de la gestion de la production. La conception, le contrôle de la production, l’enregistrement et la traçabilité des ressources deviennent à tel point essentiel aux entreprises que l’on désigne dorénavant par toyotisme la réduction au minimum des stocks lorsqu’ils sont synchronisés au rythme du montage. Dans ce système, la robotique industrielle s’intègre si bien à cette production du «Juste-à-temps» pour des secteurs d’activité tels que l’aéronautique ou l’automobile que, les trois décennies suivantes, ces robots automatiques polyarticulés programmables aux actions spécifiques, précises et répétitives atteindront le nombre d’un million et demi. Et lorsque les pertes financières accablent General Motors, que ses prix de vente diminuent et qu'elle licencie des centaines de milliers d’employés, l’industrie automobile japonaise s’empare de près de 25 % du marché automobile américain. Enfin, l’administration américaine en vient à limiter les importations d’automobiles japonaises en contrepartie d’usines de montage japonaises aux États-Unis d’Amérique.

De ce fait, moins d’une décennie après le premier choc pétrolier, le P.I.B. asiatique surpasse celui des économies Nord-américaines ou d’Europe occidentale. La part du P.I.B. d’Europe occidentale se réduit à 20 % du P.I.B. mondial, celle du P.I.B. américain se stabilise à hauteur de 25 % et les performances de l’économie chinoise dépassent déjà celles de l’économie indienne. Car depuis décembre 1978, à l’inverse du G.B.A., une évolution inspirée des «Quatre Modernisations» du Vice-premier ministre chinois Deng Xiaoping donne la priorité à l’agriculture tout en introduisant les principes d’une économie de marché. Ses objectifs sont agricoles, scientifiques, militaires et promeuvent des créations d’entreprises privées artisanales. En outre, ils laissent la part belle aux investissements étrangers en leur faisant bénéficier d’un régime juridique particulier tels que les exemptions d’impôts et le libre rapatriement des investissements ou des bénéfices dans quatre zones économiques spéciales. Mais comme il a été dit précédemment, la dépendance de l’économie chinoise aux combustibles fossiles posent et poseront un problème énergétique. La R.P.C. doit, en conséquence, évaluer au mieux ses futures importations pétrolières tout en comptant sur les nations dîtes développées dont les massives délocalisations industrielles les obligent désormais à garantir cet approvisionnement.

La répartition des P.I.B. par zone géographique dans la seconde moitié du XX ème siècleLa répartition de la production d’énergie primaire en R.P.C. l’année 2009

C'est probablement pour cette raison que, dès le premier choc pétrolier, la stabilisation de la consommation pétrolière aux États-Unis d’Amérique répond à un contrôle de la dette commerciale, à des économies d’énergie et à une sauvegarde des ressources fossiles. Ces ressources sont effectivement indispensables à l'industrialisation asiatique basée sur des technologies énergétiques primaires. Les quelques économies d’énergie des industries développées se retrouvent de cette façon en totale opposition aux usages dispendieux des industries localisées en Asie. Tout cela permettant aux 60 % de réserves mondiales de pétrole et aux 40 % de réserves mondiales de gaz, du golfe Persique, d’être quasi-exclusivement réservées à l’Asie. Les statistiques du début du XXI ème siècle confirment cette observation en spécifiant que le golfe Persique assure 50 % des importations pétrolières chinoises, 78 % des besoins pétroliers japonais et à peine 12 % des besoins pétroliers américains.

L’évolution des productions et des importations pétrolières aux États-Unis d’AmériqueLa carte des réserves d’hydrocarbures du golfe Persique



En réalité, cette situation s’est créée en deux périodes chronologiques. La première fut une phase de partage et de préservation des réserves pétrolières. Quant à la seconde, affectée à l’exploitation, elle s’est accomplie à l’approche du maximum mondial de la production pétrolière. Et c’est apparemment le renversement du Premier ministre iranien Mohammad Mossadegh, au moment du miracle économique japonais, qui déclencha la première phase au milieu du XX ème siècle. Les nations dites développées avaient tellement réprouvé l’instauration de ses réformes, comme la nationalisation de l’industrie pétrolière, que leur blocus commercial interrompit les exportations de pétrole iranien. Le Chah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi dut alors remplacer ce Premier ministre et confier l’industrie pétrolière iranienne à un consortium composé de sociétés américaines, de la Royal Dutch Shell et de la Compagnie française de pétrole. Or, le contrepoids à cette privatisation surgit cinq années plus tard quand, inspirée par le Mouvement des officiers libres et appuyée par le Parti communiste irakien, la révolution socialiste irakienne du général Qasim se retira du Traité d’Organisation du Moyen-Orient pour convertir l'économie aux plans quinquennaux. Les modèles économiques de ces deux États asiatiques divergeaient, mais ils partageaient avec d’autres un autoritarisme exacerbé dans la continuité du processus de colonisation. Les bénéfices pétroliers n’étaient que très rarement re-distribués jusqu’à ce que le choc pétrolier y révèle de profondes inégalités sociales dans lesquelles l’islamisme s’engouffra.

Aussi, plusieurs révolutions islamiques, qui se référaient à «la doctrine de l’Islam», puis par extension à son influence sur l’action administrative, éclatèrent au début de l’année 1978. Toutes ces révolutions, quelle que soit leur confession, professaient la création d’États islamiques où seul le droit coranique (le Coran, la sunna, l’ijmâ’) guiderait la législation. Et même si ces groupements révolutionnaires islamiques donnaient l’impression d’actes difficilement prévisibles, voire confus, la plupart avaient en commun de vouer l’autoritarisme post-colonial à la disparition. La prise de la Grande Mosquée de La Mecque en novembre 1979 constitue par ailleurs une manifestation de cette confrontation où la dimension dramatique, tout comme la médiatisation, fait partie de la stratégie. On dénombre ainsi cent vingt-sept morts après l’assaut de la Garde nationale saoudienne (G.N.S.), dont certains soldats se sont ralliés au caporal retraité de cette même G.N.S. et à ses deux cents élèves de l’Université islamique de Médine. Les otages n'étant finalement libérés que par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale française. Du reste, cette confusion interconfessionnelle des débuts révolutionnaires, comme le prouve l'embrasement des ambassades américaines en République islamique du Pakistan (R.I.P.) et en Libye à l’appel des dignitaires chiites, se produit trois semaines avant l’opération soviétique Chtorm-333 en République démocratique d’Afghanistan.

Car l’armée soviétique d’Ouzbékistan, qui rejoint les douze mille conseillers militaires soviétiques présents sur le territoire afghan, caractérise pour certains ce néo-colonialisme complice du communisme. Et depuis plusieurs années, des révoltes islamistes avaient déjà lieu au Pandjchir. La situation paraissait d’autant plus complexe que la Révolution de Saur était autant l’élément fondateur de la République démocratique d’Afghanistan que le déclencheur de la guerre d’Afghanistan. La destitution du second président du conseil révolutionnaire Hafizullah Amin rallie comme cela facilement une partie de l’armée afghane aux moudjahidines qui, réfugiés dans les montagnes, bénéficient des «matching funds». À savoir des aides américaines et saoudiennes qui financent à part égale un «Programme afghan» chargé d’armer et d’entraîner des moudjahidines sous la responsabilité exclusive de la Direction pour le renseignement inter-services pakistanais (I.S.I.). Celles-ci s’ajoutent donc à la directive américaine «sur l’assistance clandestine aux opposants du régime pro soviétique de Kaboul» accordée six mois avant l’opération Chtorm-333.

Mais d’autres nations, telles que la R.P.C., fournissent directement des armes. D'ailleurs, l’histoire de son missile sol-air portatif HN-5A avait commencé pendant la guerre du Viêt Nam quand les industries d’armement chinoises eurent copié un exemplaire original du missile sol-air soviétique 9K32 Strela-2. Toutefois, du fait des faibles quantités et de sa médiocre qualité, le F.N.L. vietnamien ne disposa que très tardivement de la version améliorée Strela-2M. L’administration chinoise dut dès lors stocker cette dernière version jusqu’à la première guerre d’Afghanistan, sans pouvoir réellement se rendre compte de son efficacité. Voilà pourquoi les conseillers militaires de l’A.P.L. chinoise assurent une instruction militaire aux moudjahidines dans des camps d’entraînement au Xinjiang. De son côté, la R.I.P. joue un rôle de première importance, puisqu’elle récolte les financements de la coalition, sans même stopper la construction de son usine d’enrichissement d’uranium de Kahuta. C’est donc dans ce contexte relativement périlleux de prolifération nucléaire, en juillet 1980, lors même que la destruction atomique mutuelle n’est bientôt plus assurée, que la Directive présidentielle américaine 59 expose une nouvelle stratégie nucléaire de «guerre limitée et prolongée». Une décision ajoutant forcément des tensions supplémentaires aux fortes divergences qui émergent des différentes organisations révolutionnaires.

Car, à l’inverse de la plupart des révolutions islamiques sunnites, la révolution islamique chiite a déjà conquis un État. Un succès qui s’explique autant par la structure hiérarchisée du clergé que par la répartition géographique de la population, voire par sa figure de proue, l’un des premiers à s’être opposé aux réformes de la révolution Blanche iranienne : l’Ayatollah Rouhollah Khomeini. L’abolition du serment sur le Coran des élus locaux, la laïcisation de l’alphabétisation des populations rurales et le droit de vote aux femmes ayant très tôt centralisé les luttes. L’Ayatollah Khomeyni, condamné à la prison, puis contraint à l’exil pendant quatorze années en République d’Irak, guida comme cela la révolution iranienne dans laquelle Mohammad Reza Chah portait lui aussi une certaine responsabilité. Son usage disproportionné de la force armée, car tel fut le cas le Vendredi Noir sur la place Jaléh à Téhéran, ayant manifestement conduit à la grève des ouvriers, puis à une suspension des exportations pétrolières et, enfin, au retour d’exil de l’ayatollah Khomeini. La création d’une République islamique d’Iran (R.I.I.) ayant ensuite été approuvée par voie référendaire avant que la révolution n’atteigne la République d’Irak. Les manifestations chiites, qui s’y déroulèrent, poussèrent à la démission le président de la République Ahmad al-Bakr au profit du général Saddam Hussein qui s’empressa de dénoncer les Accords d’Alger conclus avec le Chah.

Ce prétexte à l'attaque des immenses réserves d’hydrocarbures du Khouzistan iranien, un peu plus d’un an après son accession au pouvoir, déclenche en fait la première guerre du golfe Persique en septembre 1980. Peut-être compte-t-il sur le matériel de l’armée iranienne qui, majoritairement d’origine américaine, ne facilite pas les tâches de maintenance et d’approvisionnement ? On y trouve pêle-mêle des avions de chasse Grumman F-14 Tomcat, des Mc Donnell Douglas F-4 Phantom II, des Northrop F-5 Freedom Fighter, des hélicoptères Boeing CH-47 Chinook, des Bell 214 et des chars M 60 Patton. C'est pourquoi l’armée iranienne ne peut que contenir cet adversaire jusqu’à ce que le contrat d’échange des otages de l’ambassade des États-Unis d’Amérique à Téhéran lui offre une livraison de pièces d’armes américaines, une levée des sanctions économiques et un rapatriement des fonds iraniens bloqués outre-Atlantique. La situation militaire change alors brutalement. Les multiples contre-offensives iraniennes repoussent les irakiens hors d’Iran et détruisent un tiers des forces aériennes irakiennes de mars à juillet 1982.

Ces belligérants ne peuvent cependant pas employer leurs ressources pétrolières et se résignent à une guerre d’usure soutenue par les puissances étrangères. Or, dans ce cas là aussi, la situation paraît confuse. Par exemple, les monarchies de la péninsule Arabique financent à la fois la République d’Irak, qui devient la première importatrice mondiale d’armement militaire, et indirectement l’Union soviétique, son premier fournisseur. Tandis que les États-Unis d’Amérique, par l’intermédiaire des autorités israéliennes, livrent des missiles antichars américains BGM-71 TOW et des pièces de rechange aux iraniens. Pour courroner le tout, les profits de ces dernières ventes sont reversés aux guérilleros anti-sandinistes Contras en République du Nicaragua. De surcroît, cette première guerre du golfe Persique met en exergue une opposition entre les révolutions islamiques. Ainsi, six mois avant que l’aviation iranienne n’attaque trois pétroliers saoudiens et koweïtiens dans le golfe Persique, les éléments chiites du Jihad islamique ont revendiqué une série d’attentats dans l’État du Koweït en décembre 1983. Un affrontement interconfessionnel qui n’épargne pas non plus La Mecque où les forces de l’ordre saoudienne tuent quatre cent deux individus, dont deux cent soixante-quinze iraniens, l’année 1987, au prétexte de l’obstruction faite par vingt-cinq mille pèlerins chiites iraniens d’accéder à la Grande Mosquée.

Les incidences économiques et politiques de cette première guerre du golfe Persique sont également importantes. Le second choc pétrolier qu’elles provoquent oblige les économies atlantiques à accentuer leurs transformations pendant que leur dette publique s’accroît à mesure du chômage. Particulièrement en Europe où l’islamisme fait craindre à quelques-uns une possible propagation révolutionnaire. C’est le cas du parti politique français Front national fondé au second congrès d’Ordre nouveau, qui enregistre ses premiers succès électoraux en mettant au goût du jour d’anciennes rhétoriques jusqu’alors opposées à l’internationale communiste. Il recueille par exemple 10,95 % des suffrages aux secondes élections européennes alors qu’il n’avait pas obtenu les cinq cent parrainages nécessaires à la présentation d’un candidat à la dernière élection présidentielle. Puis, son candidat remporte 14,38 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle l’année 1988 après que des attentats dans un Train à grande vitesse, à la préfecture de police, sur les Champs-Élysées et rue de Rennes aient marqué les esprits. Car une partie de la population française assimile désormais les efforts diplomatiques à des faiblesses. La République française doit donc vigoureusement démentir avoir négocié le retour des otages français séquestrés par le Jihad islamique en République libanaise contre le remboursement du prêt octroyé par le Chah d’Iran à la société Eurodif S.A., l’arrêt du soutien militaire à Saddam Hussein et la libération des terroristes chiites.

La diplomatie obtient pourtant quelques bons résultats étant donné que les accords de Genève mettent fin à la première guerre d’Afghanistan en avril 1988, et que la R.I.I. accepte la résolution 598 du Conseil de sécurité des Nations unies exigeant l’arrêt immédiat des combats en juillet 1988. En effet, sous l’impulsion de la perestroïka initiée par le Secrétaire général du Comité central du Parti communiste Mikhaïl Gorbatchev, les États du pacte de Varsovie accueillent favorablement ses réformes de pluralisme politique et de libéralisation économique, que ce soit lors des élections du Congrès des députés du peuple russe, de l’arrachage des cent premiers mètres du «rideau de fer» en République de Hongrie ou de la destruction du mur de Berlin en novembre 1989. Et, d’une manière plus globale, ses réformes accompagnent un cycle administratif, économique, financier et énergétique à l’échelle mondiale.

De cette nouvelle époque dite de la globalisation émerge aussi la résolution 678 du conseil de sécurité des Nations unies qui autorise «les États membres coopérant avec le gouvernement koweïtien à user de tous les moyens nécessaires» si les armées irakiennes ne se retirent pas du Koweït qu’elles ont annexées en août 1990. Saddam Hussein a beau en appeler à la conscience panarabe ou tirer ses missiles Al Hussein sur les zones civiles urbaines de l’État d’Israël, cette stratégie n’engendre que violence sur l’esplanade des Mosquées où la police israélienne tue vingt et un palestiniens. D'ailleurs, son franchissement de la frontière saoudienne à Khafji entraîne une si forte riposte de l’aviation internationale qu’une attaque terrestre limitée suffit à libérer l’État du Koweït. Bref, la destruction du complexe militaro-industriel irakien coûte énormément à la République d’Irak, puisqu’aux cinq cents milliards de $ de dégâts s’ajoutent deux cents milliards de $ de réparations dues à la R.I.I. et à l’État du Koweït. Pour ne rien arranger, l’embargo de l’O.N.U. l’accule un peu plus à la misère, même si son programme « Pétrole contre nourriture » l’autorise à vendre une partie de son pétrole. Le Conseil de sécurité des Nations unies employant ces faibles revenus à hauteur de 30 % pour l’État du Koweït, 13 % pour le Kurdistan irakien, 3 % pour le paiement des fonctionnaires de l’O.N.U. et 54 % pour l’achat de nourriture ou de médicaments. En outre, les opérations Southern watch place son espace aérien au sud du 32 ème parallèle nord sous le mandat des Nations unies, puis le Northern watch en étend le dispositif au nord du 36 ème parallèle nord.

Les grands vainqueurs sont finalement les États-Unis d’Amérique dont l’armée se redéploie en Orient. Pour cela, le quartier général de son département de la Défense annonce la fermeture partielle ou totale de soixante et onze bases militaires, dont soixante-huit dans la seule République fédérale d’Allemagne. Puis, il y ajoute la fermeture définitive de quatre-vingt-trois bases sur le sol européen. Ces nouvelles installations américaines dans l’État du Koweït complètent un dispositif déjà bien en place dans le Sultanat d’Oman, les Émirats arabes unis, le Qatar et le Royaume de Bahreïn. Au demeurant, ce redéploiement militaire met surtout fin à la préservation des hydrocarbures du golfe Persique et prépare cette autre phase de la globalisation dans laquelle les transports et les communications joueront un rôle primordial pour l’intégration des marchés financiers. Cette période de consommation des ressources pétrolières soutiendra la désintermédiation des émissions de titres des multinationales (F.M.N.) qui se combinera à une déréglementation du contrôle des changes et des mouvements de capitaux. En résumé, de grandes quantités de $ associés aux réseaux informatiques joueront les rôles dévolus à l’étalon or et au télégraphe électrique pendant la précédente mondialisation. En effet, si l’accès aux matières premières a toujours intéressé les F.M.N. dans les expéditions colonisatrices des États industriels, la grande nouveauté de la décolonisation est qu’elle leur permet d’y créer leur propre espace économique. Les F.M.N. continuent d’exploiter les ressources naturelles des régions étrangères, mais elles tirent dorénavant bien plus d'avantages de la disparité des législations des États. Les opportunités de la globalisation, telles qu’un contournement régulier des entraves protectionnistes au commerce ou bien l’emploi massif à faible coût d’une main d’œuvre qualifiée, sont du reste tellement nombreuses que la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement estime que le nombre des F.M.N. a décuplé durant les deux dernières décennies du XX ème siècle. Ainsi, les soixante-cinq mille F.M.N., souvent nées de multiples fusions-acquisitions, paraissent être les principaux vecteurs de l’industrialisation asiatique.




FMN & IDE




Et comme nous l’avons précédemment écrit, ce système repose autant sur les hydrocarbures du golfe Persique que sur la globalisation financière dont les bulles spéculatives successives remontent au moins aux accords du Plaza l’année 1985. C’est effectivement en raison de la volonté des États de déprécier coûte que coûte le $, que les capitaux placés aux États-Unis d’Amérique furent massivement rapatriés sur les marchés financiers japonais. La Banque du Japon n’ayant dès lors plus comme objectif que de limiter la hausse du Yen (¥) face au $ pour maintenir ses exportations. Ce qui l’amena à baisser cinq fois consécutivement son taux d’escompte et à inonder les marchés financiers de liquidités. Une stratégie monétaire que reproduiront d’autres banques centrales sur d’autres places boursières les décennies suivantes. Tout particulièrement après chaque crise financière où cette faiblesse du loyer de l’argent facilitera le «carry trade», qui consiste à emprunter de l’argent à faible taux d’intérêt dans des régions industrialisées en difficultés économiques pour l’investir à plus fort taux d’intérêt dans des régions d’industries émergentes. Un phénomène également observable après la privatisation des entreprises publiques et lors de la création des marchés de contrats financiers à terme en zone atlantique. Ce dernier élément est même capital pour que les investisseurs puissent facilement vendre ou acheter une quantité d’un produit à une date future et à un prix fixé par avance. Bref, l’augmentation du volume d’opérations spéculatives sur écart de rendement lia les actifs financiers entre eux, de sorte que dès octobre 1987 le «Black Monday» clôtura pour la première fois une baisse historique de tous les marchés actions sur la plupart des places financières. La responsabilité de ce krach incomberait donc tour à tour au carry trade, aux marchés de contrats financiers à terme, sans oublier le développement d’outils informatiques. Des algorithmes informatiques qui seront aussi rendus responsables du premier flash crash quelques décennies plus tard.

Mais en ce qui concerne la dépréciation continue de la première capitalisation boursière mondiale, à savoir le marché d’actions tokyoïte, une part pourrait en incomber à l’ouverture de la bourse à Shanghai en décembre 1990. Le Japon sombre d’autant plus dans la récession économique que la diminution de ses ressources fiscales bloque ses investissements technologiques. La technologie des produits japonais, spécifiquement dans le secteur très concurrentiel high-tech, trouve difficilement son public et la consommation intérieure ne compense pas la diminution des exportations. De plus, dans ce contexte atone, les taux directeurs de la Banque du Japon proches de zéro ne stimulent pas plus la croissance économique qu’ils n’arrêtent la déflation. À l’inverse, dès octobre 1992, l’«économie socialiste de marché» chinoise bénéficie d’un mouvement mondial de libéralisation du commerce dans lequel les économies dites développées intègrent des zones économiques spécifiques.

L’indice boursier japonais Nikkei 225L’indice boursier chinois SSE

Dans l’Atlantique, le traité de Maastricht, en vigueur depuis novembre 1993, définit l’action de quelques États européens en transférant à l’Union européenne l’exercice de compétences et, de l’autre, l’Accord de libre-échange Nord-américain (A.L.E.N.A.) crée une zone de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique, le Mexique et le Canada en janvier 1994. En ce qui concerne la zone pacifique, la coopération de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (A.S.E.A.N.), qui avait comme objectif initial de lutter contre le communisme, est suppléée par l’ASEAN free trade area dans laquelle les États asiatiques respectent une quasi-invariable chronologie industrielle. Tout d’abord, une réforme agraire subvient en priorité aux besoins primaires d’une population que l’active intervention de l’État scolarise. Puis, les infrastructures nécessaires aux secteurs économiques qualifiés de prioritaire sont mises en chantier. Enfin, une stratégie de remontée de filière diversifie la production en direction d’activités à plus forte valeur ajoutée pendant que l’on transfère la technologie à maturité à d’autres régions asiatiques. La R.P.C. s’inspire comme cela des nouveaux pays industrialisés asiatiques (N.P.I.A.) pour concrétiser son « économie socialiste de marché ». Elle intègre ainsi l’A.S.E.A.N. plus three même si les « Objectifs de Bogor » de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (A.P.E.C.) connaissent quelque turpitudes.

La carte des États adhérents à l’APEC

Toutes ces zones d’intégration économiques se construisent avec l’assentiment de l’Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) dont les Accords de janvier 1995 ambitionnent le règlement des différends commerciaux et la réduction des obstacles au libre-échange. Ses États membres déclarés dans leur droit peuvent pratiquer un droit de rétorsion sous la forme de sanctions commerciales si un autre État membre promulgue une mesure considérée, par un ou plusieurs autres États membres, comme une violation des Accords. Les N.P.I.A. peuvent bien sûr y adhérer à condition d’éliminer leurs obstacles au libre-échange, mais aussi de maintenir une certaine stabilité monétaire, si besoin en fixant une parité avec le dollar américain. En fait, ce système fonctionne sans encombre tant que la croissance du P.I.B. attire des investissements étrangers qu’une accommodante politique monétaire japonaise facilite. Mais lorsque la Réserve fédérale des États-Unis d’Amérique relève ses taux directeurs à partir de l’année 1995, la dépréciation du yen face au dollar américain dévaste leur commerce extérieur.

Le renchérissement du prix des marchandises asiatiques affaiblit à tel point le volume de leurs exportations à destination du Japon que le Royaume de Thaïlande annonce son premier déficit courant en juillet 1996. Et lors même que la banque centrale thaïlandaise abandonne son système monétaire à parité fixe, au lendemain de la rétrocession de Hong Kong à la R.P.C. le 2 juillet 1997, le mouvement de retrait des capitaux étrangers à court terme y est continu. Et lorsque la République d’Indonésie abandonne à son tour son système monétaire à parité fixe, la dépréciation massive de l’ensemble des devises asiatiques sur le marché des changes transforme cette crise monétaire en une crise économique. La dette des N.P.I.A. libellée en monnaies étrangères se gonfle alors brutalement et les ventes des actifs financiers les plus volatils s’accélèrent. L’effondrement de l’économie libre-échangiste mise en place en Asie du Sud-Est permet donc aux investissements directs de l’étranger (I.D.E.) de facilement racheter les entreprises asiatiques.

Car si les F.M.N. sont les vecteurs de la globalisation, les I.D.E. sont les forces motrices des F.M.N. ; Ceux-ci, à l’inverse des investissements volatils de portefeuille en actifs financiers, exercent un contrôle de gestion sur les entreprises étrangères. L’Organisation de coopération et de développement économique les différenciant des spéculations à condition d’au moins représenter 10 % des droits de vote de l’entreprise étrangère. D'ailleurs, les flux d’I.D.E. verticaux (leurs filiales produisent des biens identiques) et les flux d’I.D.E. horizontaux (leurs filiales produisent des biens semi-finis différents avant l’assemblage) explosent à cette période. Leur somme totale annuelle atteint mille quatre cents milliards de $ à la fin de la décennie et la moitié des I.D.E. en provenance des États-Unis d’Amérique, qui était jusqu’alors investie au Japon et à Hong Kong, l’est désormais en R.P.C. ; Un développement tributaire des performances des réseaux de télécommunications que la privatisation des entreprises, l’ouverture du marché à la concurrence et le Telecommunications Act de 1996 avaient bien préparé. Des réformes que les États avaient jugées indispensables à la numérisation, au stockage et à la transmission des données à travers un réseau informatique mondial du texte, du son et de l’image. Aussi, cette convergence des I.D.E. avec les technologies de la communication contribuait à développer l’indice boursier NASDAQ-100 (National association of securities dealers automated cotations) cotant les cent principales entreprises non financières.

L’évolution des I.D.E. depuis la II nd guerre du golfe PersiqueL’évolution de l’indice boursier NASDAQ-100

Toutefois, si cette nouvelle révolution des communications est une pierre angulaire de la globalisation, les transports sont son talon d'Achille. Car contrairement à la première mondialisation, cette globalisation ne s'associe pas vraiment à une révolution des transports. La seule capable d’exploiter à plein son potentiel. En effet, elle semble se limiter à la durabilité énergétique des combustibles fossiles, à l’instar de l’économie chinoise dont le P.I.B. atteint désormais l’équivalence avec les nations du «Groupe des sept». Son temps est, en conséquence, à l’exploitation de nouvelles sources d’hydrocarbures. Et si les deux premières guerres du golfe Persique les avaient partagées et préservées, leur exploitation coïncide maintenant avec une confrontation islamique tous azimuts. Les actions islamistes n’épargnent plus aucun État et s’étendent jusqu’au continent américain où une camionnette piégée a explosé sous la tour N°1 du World Trade Center à New York. Les autorités américaines ayant identifié l’instigateur de ce premier attentat islamiste sur leur territoire en la personne du pakistanais Ramzi Yousef, dont la qualité de moudjahidine ayant appris l’élaboration d’explosifs dans un camp d’entraînement à Peshawar a de quoi laisser perplexe. Certes, en coordination avec l’I.S.I., le Diplomatic Security Service l’interpelle à Islamabad et la justice américaine le juge coupable en novembre 1997. Mais les alliés d’hier seraient devenus les pires ennemis, alors même que les autorités pakistanaises ne cessent de soutenir les moudjahidines, y compris lors de la constitution de l’Émirat islamique d’Afghanistan. Ce soutient quasi-inconditionnel ne se dément pas non plus lorsque la bombe atomique pakistanaise explose en mai 1998, quelques semaines après les essais thermonucléaires indiens initiés par les nationalistes hindoues du Bharatiya Janata Party. Le risque nucléaire est donc démultiplié dans cette région où il pourrait y avoir confusion entre la révolution islamique et les conflits intercommunautaires.

Quoi qu’il en soit, la situation devient explosive à l’approche du maximum mondial de la production pétrolière conventionnelle. C’est-à-dire en août 1998 quand le cours du baril de pétrole atteint son plus bas historique à New York, soit quelques jours avant les attentats de l’«Armée islamique de libération des lieux saints musulmans» contre les ambassades des États-Unis d’Amérique en République du Kenya et en République unie de Tanzanie. En effet, la réplique des États-Unis d’Amérique sonne le glas des hydrocarbures bon marché. Près de quatre-vingt de leurs missiles BGM-109 Tomahawk détruisent l’usine d’Al-Shifa en République du Soudan et tuent cinq officiers de l’I.S.I. en Émirat islamique d’Afghanistan. Et malgré le fait que le guidage par Global Positioning System assure un coefficient d’erreur de moins de dix neuf mètres, la R.I.P. a subi deux tirs de missile BGM-109 Tomahawk et dénonce une violation de son intégrité territoriale. Elle parait tout de même y trouver son compte, puisqu’elle intègre les Tomahawk à son programme militaire Babur. La rétro-ingénierie faisant le reste. On comprend ainsi mieux pourquoi les dimensions et la masse au lancement du missile Babur sont comparables au missile BGM-109 Tomahawk. Notons que ce missile servira aussi de base au développement d’une version exploitable à partir des sous-marins Agosta 90 B vendus par la République française sous le gouvernement Balladur. Quelques années après leurs premiers essais nucléaires, les armées pakistanaises disposent comme cela d’un vecteur capable d’emporter une charge nucléaire équivalente à trente-cinq kilotonnes de trinitrotoluène, soit une charge deux fois supérieure à la bombe Little Boy.




Mix énergétique


Cette prolifération nucléaire dans un tel contexte n'inquiète cependant pas grand monde. Et dès décembre 1998, sans l’accord de l’O.N.U., mais avec l’aide des britanniques, les représailles américaines à ces attentats s’étendent au golfe Persique. Les Boeing B-52 Stratofortress et quatre cent quinze missiles BGM-109 Tomahawk s’attaquent à l’éradication d’hypothétiques armes de destruction massive irakiennes ; Même si les inspecteurs des Nations unies, à la différence du rapport du directeur de la commission spéciale, soutiennent que le potentiel militaire irakien a déjà été détruit au cours des sept années précédentes. Qui plus est, la République d’Irak n’aurait aucun lien avec les attentats contre les ambassades américaines en Afrique du fait même que les autorités américaines tiennent pour responsable Oussama ben Laden. La résolution 1267 de l’O.N.U. réclame au surplus son extradition et le gel des avoirs de toute personne ou entité associée aux Talibans dès octobre 1999. En réalité, d’une manière plus pragmatique, les tensions sur le marché pétrolier nées de ces ripostes feront doubler le prix annuel moyen du baril de pétrole à New York les deux années suivantes. Dès cette date, quel que soit leur continent, les États invoqueront le mix énergétique comme une solution à leurs difficultés économiques tout en donnant la priorité au pétrole non conventionnel. Car, à la différence des précédents chocs pétroliers, celui-ci ne porte pas seulement sur les prix et se caractérise par une globalisation énergétique dans laquelle les énergies durables ou non interagiraient ensemble.

Les États-Unis d’Amérique ne cessent dès lors de maintenir ces tensions sur les prix en attaquant de nouveau, sans l’accord de l’O.N.U., des installations de missiles anti-aériens irakiens à proximité de Bagdad en février 2001. L’administration américaine qualifie cette mission de simple routine alors qu’elle annihile les dernières capacités de défense anti-aérienne irakienne entre le 33 ème et le 36 ème parallèle nord. Elle a également comme particularité d’avoir été ordonnée par une décision présidentielle que l’arrêt «Bush v. Gore» de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique a légitimé. Le recomptage des votes de l’État de Floride ayant été stoppé aux motifs de la violation de l’equal protection clause et de l’épuisement du délai de contestation. Toujours est-il que cette intervention militaire s’intensifie après les attentats du 9/11/2001 contre le Q.G. du département de la Défense des États-Unis d’Amérique et le World Trade Center à New York. À cette fin, le Secrétaire d’État des États-Unis d’Amérique Powell expose le 13 septembre 2001 les motifs des futures opérations militaires en désignant O. ben Laden comme le principal suspect de ces attentats ayant officiellement tué deux mille neuf cent soixante-dix-sept individus. L’émotion est telle que le président des États-Unis d’Amérique G.W. Bush obtient le blanc-seing du Congrès des États-Unis d’Amérique le 20 septembre 2001 contre tous ceux qui ont «planifié, permis, commis ou aidé les attentats». De son côté, la communauté internationale s’implique une fois de plus en votant la résolution 1373 des Nations unies imposant à tous les États-membres de considérer le terrorisme comme une infraction pénale à leur législation. Cette résolution relativement controversée motivera la Cour de justice des communautés européennes à réaffirmer la prééminence des principes fondamentaux du droit communautaire. Quant à l’Émirat islamique d’Afghanistan, non membre de l’O.N.U., son ambassade en R.I.P. annonce que O. ben Laden sera traduit en justice quand les preuves de son implication seront rendues publiques.

Cette dernière déclaration importe peu à l’administration américaine qui, sans attendre le Rapport final sur les attaques terroristes, déclenche l’opération militaire Enduring freedom contre les camps d’entraînement moudjahidines afghans dès octobre 2001. Mandaté conjointement par le président et le Congrès des États-Unis d’Amérique, ce rapport accusera finalement le pakistanais Khalid Cheikh Mohammed comme le principal instigateur des attentats du 9/11/2001. L’accusé, interpellé à Rawalpindi en R.I.P., le confirmera lui-même au cours de ses auditions devant les commissions militaires de Guantanamo. Ce diplômé en génie mécanique de la North Carolina agricultural and technical State University était pourtant connu des autorités américaines, puisqu’il avait déjà participé aux activités terroristes de son neveu Ramzi Youssef contre la tour N°1 du World Trade Center à New York ou lors de l’opération Bojinka visant à exploser plusieurs avions civils. L’administration américaine n’a donc donné que trop peu de temps à sa justice.

Et l'histoire de se répéter en novembre 2001, puisqu'elle exige le retour des inspecteurs en désarmement de République d’Irak au motif qu’il serait un des «États qui mettent au point des armes de destruction massive pour en terroriser d’autres». Puis, dès avril 2002, les armées anglo-américaines engagent la campagne militaire Southern Focus pour riposter à d’hypothétiques violations de la zone d’exclusion imposée par la résolution 688 du Conseil de sécurité des Nations unies. À cette occasion, leurs drones MQ-1 Predator ciblent en priorité les radars, les réseaux de communication irakiens et plus de six cent bombes sont larguées sur trois cent quatre-vingt-onze cibles. Enfin, en mars 2003, elle déclare une troisième guerre du golfe Persique au motif que la République d’Irak soutiendrait des organisations terroristes et qu’elle serait sur le point de leur fournir des armes de destruction massive. L’imminence d’un tel danger convainc même une coalition hétéroclite composée de britanniques, d’australiens, de polonais et de Peshmergas. Mais une fois encore, il faut une année à l’Irak Survey Group mandaté par l’administration américaine pour certifier qu’il n’existe aucun programme d’armement irakien. Malgré cela, l’administration américaine s’acharne toujours à proclamer l’existence de liens entre la République d’Irak et l’organisation Al-Qaïda pendant sa promotion d’un «Partenariat pour le progrès et un avenir commun avec le Moyen-orient élargi et l’Afrique du Nord» au «Groupe des sept» en juin 2004.

En fait, cette troisième guerre du golfe Persique est surtout un formidable catalyseur pour la révolution islamique d’autant plus qu’une coalition internationale de plus de trois cent mille soldats s’installe sur le sol irakien en conformité aux dispositions de la résolution 1483 du Conseil de sécurité des Nations unies. Dès janvier 2005, les tensions géopolitiques dans le golfe Persique font tripler le prix annuel moyen du baril de pétrole à New York pour lui faire atteindre le seuil de rentabilité du pétrole non conventionnel. En effet, ce dernier pétrole exige des techniques de forage spécifiques et son exploitation par paliers progressifs réclament d’autres moyens financiers que le pétrole conventionnel. Notons également que le pétrole offshore ultra-profond est certes un conventionnel, mais ses installations sous-marines robotisées à plus de mille cinq cents mètres de profondeur partagent des techniques d’exploitation avec des pétroles non conventionnels tels que le «pétrole de schiste». Voilà comment l’exploitation de la formation de Bakken aux États-Unis d’Amérique peut débuter l’année 2006 et que près de mille puits y seront forés en moins de cinq années. L’United States Energy information administration évaluant les réserves mondiales à cent cinquante milliards de barils dont cinquante aux États-Unis d’Amérique.

Du reste, comme il a été écrit précédemment, l’extraction de ce «pétrole de schiste» requiert des procédés complexes de fracturation hydraulique et de forage dirigé. Schématiquement, on fissure les strates géologiques en injectant profondément un fluide à haute pression dans des puits verticaux, inclinés ou horizontaux. Et même si le revers de la médaille ne tarde pas à poindre, que ce soit lors de l’accident de Lac-Mégantic ou de l’explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, l’écosystème ne pèse pas bien lourd face aux enjeux économiques. Pour la première fois depuis le premier choc pétrolier, le déficit commercial américain se réduit et la production journalière américaine atteint l’équilibre avec les importations pétrolières. Cette réduction du déficit commercial est due aux trois millions de barils supplémentaires par jour et, dans une moindre mesure, à l’influence sur le marché des changes de la monnaie de l’Union économique et monétaire européenne : l’Euro. Car, tout au long de la seconde moitié du XX ème siècle, le Deutsche Mark n’avait jamais représenté plus de 16 % du montant global des réserves de change des banques centrales, alors que la proportion moyenne des réserves en Euro s’élève maintenant au quart. Le déficit commercial américain atteint, en conséquence, son maximum l’année 2006.

L’évolution du déficit commercial des États-Unis d’Amérique depuis le II nd choc pétrolier

Ces ressources énergétiques arrivent aussi à point nommé pour compléter les réserves du golfe Persique dont la R.P.C. fait dorénavant grand usage. En effet, son P.I.B. atteint la troisième place mondiale, même si la valeur ajoutée de sa production et son marché intérieur restent faibles. L’économie chinoise est encore trop dépendante du commerce mondial de par sa structure productive qui repose majoritairement sur des produits assemblés à partir de composants importés. De plus, ses territoires ruraux occidentaux sont faiblement développés, tandis que son littoral pacifique dispose de la troisième flotte maritime mondiale, soit près de trois mille six cents navires sans compter la flotte maritime hongkongaise. Toujours est-il que, malgré cette inégale implantation industrielle, les quatre mille milliards de $ d’excédent commercial chinois financent l’abyssale dette publique américaine composée de bons du trésor destinés au public. Le coût des guerres américaines a effectivement fait exploser cette dette de marché dans laquelle la participation chinoise de 20 % a doublé durant la troisième guerre du golfe Persique. Le Center for Strategic and International Studies à Washington, D.C. chiffre d'ailleurs le coût immédiat de la guerre d’Afghanistan à six cent cinquante milliards de $ et le Bureau du Budget du Congrès américain estime celui de la troisième guerre du golfe Persique à sept cent soixante-dix milliards de $. Quant aux calculs du Watson Institute for international Studies de l’Université Brown à Chicago, qui incluent les intérêts de la dette et les pensions des anciens combattants, ils prévoient une somme supérieure à six mille milliards de $. Par contre, à l'inverse de la dette publique américaine, l’accroissement des investissements des F.M.N. dans la zone pacifique n’a pas cessé entre les années 2004 et 2008, puisqu’ils bondissent de six cents à deux mille milliards de $.

Les principaux États détenteurs de la dette publique des États-Unis d’Amérique au début du XXI ème siècle

En outre, comme lors du précédent choc pétrolier, les économies atlantiques accentuent leurs transformations à mesure de l'accroissement de leur dette publique. Notamment après l’éclatement de la bulle spéculative à la bourse de Shanghai en octobre 2007 concomitamment à l’amorce de la crise des subprimes aux États-Unis d’Amérique. À ce propos, il faut préciser qu’un subprime est un emprunt plus risqué, à meilleur rendement pour le prêteur, que la catégorie prime lending rate accordée aux emprunteurs les plus fiables. Le risque inhérent à ces dettes financières est donc connu, contrairement au procédé de titrisation consistant à les transformer en titres négociables de sociétés pour les rendre disponibles à un grand nombre d’investisseurs. Dès lors, ces organismes de placement collectif en valeurs mobilières (O.P.C.V.M.) vont du reste pâtir de l’annonce de pertes directes sur les crédits subprimes. Les établissements financiers ayant des participations dans ces O.P.C.V.M. se retrouvent entraînés dans une spirale amplifiée par le morcellement de Lehman Brothers Holdings Inc. entre les établissements Barclays et Nomura Holdings. Et seule l’intervention directe de la Réserve fédérale américaine permet d’interrompre la vente d’actions bancaires à tout prix avant que le département du Trésor des États-Unis d’Amérique ne place sous sa tutelle les établissements de refinancement hypothécaire Fanny Mae et Freddie Mac. De même, que dire de la nationalisation d’American International Group Inc à hauteur de 79,9 % de son capital en raison de pertes sur ses credit default swaps liés aux créances immobilières ?

Le Congrès des États-Unis d’Amérique a beau voter l’Emergency stabilization Act of 2008 prévoyant l’achat d’actifs financiers toxiques, d’actions sans droit de vote et de dettes prioritaires à concurrence de sept cents milliards de $, cela ne suffit pas aux institutions financières. L’American recovery and reinvestment Act of 2009 affecte à son tour huit cents milliards de $ à la santé, l’enseignement, l’énergie, les infrastructures et la fiscalité, cela ne suffit toujours pas. À cause du resserrement des conditions de crédit aux États-Unis d’Amérique, là où une récession économique était observable dès le début de la crise financière, ces institutions craignent une crise de solvabilité bancaire. Avec empressement, elles vont donc faire fi des recettes classiques du libéralisme américain et instamment réclamer la mise en place de l’assouplissement quantitatif. Un mécanisme financier utile au carry trade, mais déjà vainement mené par la Banque du Japon ou la Banque d’Angleterre. Cette dernière banque centrale ayant reconnu un gonflement du prix des actifs financiers sans aucun effet bénéfique sur l’activité économique.

L’évolution de la dette publique totale des États-Unis d’Amérique
Mais peu importe ces précédentes expériences. La Réserve fédérale des États-Unis d’Amérique rachète quand même des titres adossés à des créances hypothécaires pour la somme de sept cent cinquante milliards de $, des bons du Trésor des États-Unis d’Amérique pour trois cents milliards de $ et les dettes des établissements de crédits Fanny Mae et Freddie Mac pour cent milliards de $. Mieux, son assouplissement quantitatif se poursuit pendant plusieurs années jusqu’à racheter l’«excès» de 20 % de la dette détenue par le public et d’approcher au total près de deux mille trois cents milliards de $. Ce contexte anxiogène est aussi celui du vote de la loi H.J.RES.45 du 12 février 2010 relevant le plafond de la dette de l’État fédéral à 100 % du P.I.B., soit à peu près quatorze mille trois cents milliards de $ selon l’agrégat officiel. Précisons que dès la décennie suivante, la dette totale explosera au delà des vingt-deux mille milliards de $, soit plus de soixante mille $ par habitant, alors que cet agrégat ne prend pas en compte la dette de plus de trois mille milliards de $ des États, municipalités ou collectivités locales. L’American way of life crée dorénavant plus de dettes que de richesses, que ce soit pour les entreprises endettées à hauteur de dix mille milliards de $ ou les ménages dont la dette atteint près de quinze mille milliards de $. Mais apparemment peu importe les difficultés du modèle, puisque la Banque centrale européenne mène elle aussi une politique d’assouplissement quantitatif en achetant pour plus de deux mille huit cents milliards d’Euros de dettes privées et publiques. Et, de la même manière, le continent européen n’en retire aucun bénéfice.

Ces injections massives de liquidité, au motif d’une possible déflation liée aux dépréciations d’indices boursiers, stimule surtout de nouvelles techniques de gestion d’actifs financiers. Parmi ceux-ci, le trading algorithmique qui, sans intervention humaine, laisse un algorithme décider du prix, du volume et du timing d’un ordre boursier sur les plates-formes électroniques. Une technique que l’on associe souvent au trading haute fréquence pour que les opérateurs automatiques puissent aisément rechercher les meilleurs couples achat/vente ou maintenir une tendance de marché sans jamais avoir à accumuler les considérables volumes qu’ils engagent. Mais qui dit nouvelles techniques de gestion dit nouveaux risques financiers. Les F.M.N., dont certaines accèdent à une capitalisation boursière supérieure au milliard de $, s’exposent de cette façon aux Flash Crash ou à des stratégies proches de la manipulation de marché. Parmi elles, le quote stuffing, qui ralentit la concurrence en bourrant la cotation d’ordres inutiles, ou le spoofing, qui gonfle le volume des ordres avant de les annuler. Et pour l’instant, eu égard à la vitesse de ces ordres informatisés, aucune de ces manipulations ne peut vraiment être prouvée. Aussi, les attraits du trading haute fréquence génèrent toujours plus de volume, en particulier depuis la création des «dark pool», et le fait que leurs transactions ne durent que quelques microsecondes explique pourquoi on ne possède une action américaine que vingt-deux secondes en moyenne.

Mais le plus surprenant est que cette crise financière, débutée par le krach de l’indice chinois SSE, n’affecte quasiment pas l’économie chinoise. Celle-ci se contente d’un simple plan de soutien à la consommation et aux investissements innovants de cinq cents milliards de $. Le désormais second P.I.B. mondial en profite plutôt pour mettre en œuvre quelques réformes économiques comme en atteste une étude conjointe du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. La récente progression de l’économie mondiale serait ainsi due aux nouvelles productions chinoises et non au protectionnisme du Buy American provision. En effet, les nouvelles industries chinoises assemblent de moins en moins de composants importés et en fabriquent elles-mêmes une plus grande part. Le secteur informatique n’est pas le seul concerné et onze entreprises automobiles chinoises sont déjà parmi les trente principaux constructeurs mondiaux.


L’offre énergétique mondiale doit désormais répondre à une croissance annuelle de 9 % des importations pétrolières chinoises, pendant que la consommation pétrolière annuelle mondiale, d’environ trente milliards de barils, augmente parfois plus vite que la production. Et comme la courbe de la production pétrolière suit inexorablement la courbe des découvertes avec un décalage d’environ ½ siècle, la seule consommation énergétique du pacifique limitera inexorablement sa durabilité économique. Selon un responsable de l’exploration de la compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures Saudi Aramco, le maximum de la production pétrolière conventionnelle serait relativement proche. Aussi, la plupart des statistiques anticipe une production en «plateau» n’allant pas au delà de la troisième décennie du XXI ème siècle. Ces projections s’appuient sur le fait que le rapport entre les réserves pétrolières conventionnelles et la consommation pétrolière annuelle serait de moins de quarante années au début du XXI ème siècle. Mais une inconnue demeure étant donné que les réserves mondiales ont probablement été surestimées de plusieurs centaines de milliards de barils, à la fin de la première guerre du golfe Persique, quand la capacité d’emprunt des producteurs de l’O.P.E.P. dépendait de leurs quotas de production. Car, à cette époque, les producteurs déclarèrent disposer de mille cinq cents milliards de barils de réserves prouvées, tandis qu’elles n’étaient vraisemblablement que d’un peu plus de mille milliards. De plus, ni les nouveaux gisements ni l’évolution des techniques ne compensent intégralement le déclin des gisements existants dont le taux de retour énergétique sur énergie investie (TRE ou EROEI) est toujours inférieur à un.

L’évolution et les prévisions de la production pétrolière mondiale

Compte tenu de tous ces éléments, le rapport Hirsch du département de l’Énergie des États-Unis d’Amérique reconnaît le maximum de la production pétrolière comme un enjeu mondial, tout en enjoignant de développer au plus vite les pétroles non conventionnels tels que les sables bitumineux, les pétroles extra-lourds ou les schistes bitumineux. Mais en dehors de toute considération écologique, le principal problème de leur exploitation est leur structure même. Celle-ci réclame d’importants capitaux, des techniques d’exploitation différenciées et ne suit qu’une tendance maximum constante à long terme. Par conséquent, au début du XXI ème siècle, les principaux gisements se résument aux sables bitumineux canadiens du lac Athabasca, dont on estime les ressources à plusieurs centaines de milliards de barils, et aux pétroles extra-lourds vénézuéliens du bassin de l’Orénoque.

En ce qui concerne les sables bitumineux, deux méthodes coexistent pour obtenir un pétrole brut de synthèse. La première vise à les extraire à la surface pour séparer le sable du bitume et, la seconde, une technologie «in situ» thermique, injecte à de grandes profondeurs de la vapeur d’eau à haute pression. La diminution de la viscosité du bitume permet de le pomper à la surface avant de le diluer avec des pétroles légers. En règle générale, un tiers de condensat de gaz naturel suffit à le rendre conforme aux normes de viscosité des oléoducs. Les réserves de gaz de schiste, que l’on évalue au tiers des réserves mondiales de gaz naturel, sont de ce fait cruciales dans cette élaboration. D’autant plus que la seconde méthode tend peu à peu à supplanter la première au point que le taux de récupération des ressources de l’Athabasca approche les 50 %. Voilà pourquoi, en matière de pétrole non conventionnel, il est préférable de remplacer la dénomination «réserve», qui se réfère à des volumes de pétrole conventionnel techniquement et économiquement récupérables, par celle de «ressource». C’est le cas pour les centaines de milliards de barils du bassin de l’Orénoque vénézuélien dont les abyssales profondeurs des gisements et la chaotique situation sociale rendent difficiles leur exploitation. La production annuelle de pétrole brut de synthèse y est si anecdotique au début du XXI ème siècle que les prévisions les plus optimistes n’anticipent pas une production substantielle avant les trois premières décennies du XXI ème siècle.

Le seuil de rentabilité des réserves de pétrole disponiblesL’évolution prévisionnelle de la production des sables bitumineux de l’Athabasca

En fait, la plus grande durabilité des combustibles fossiles se trouve sous la forme d’un mélange de roches et de kérogène dans les schistes bitumineux. Le kérogène est cette substance intermédiaire, entre la matière organique et les combustibles fossiles, que l’on transforme en huile de schiste par pyrolyse, hydrogénation ou dissolution thermique. La pyrolyse, qui décompose la substance organique grâce à une élévation de la température dans une atmosphère pauvre en oxygène, serait le procédé le plus abouti avec un rendement de quarante litres par tonne de schistes bitumineux. Avec cette méthode de titrage de Fischer, le département de l’Énergie des États-Unis d’Amérique évalue les ressources mondiales à plusieurs milliers de milliards de barils dont la moitié des gisements se situerait sur une propriété de l’État fédéral américain dans la formation de la green River. L’autre élément favorable est que cette méthode d’exploitation industrielle des schistes bitumineux ressemble à la fois à celle des sables bitumineux et à celle du pétrole de schiste. En effet, l’autoclavage «in situ» chauffe le schiste bitumineux à 350° Celsius pendant au moins quatre années pour le transformer en gaz ou en huile de schiste, avant de l’aspirer à la surface, si nécessaire en pratiquant l’hydrofracturation. L’installation «in situ Mahogany research project» obtient de cette manière un EROEI compris entre trois et quatre. Enfin, l’huile de schiste obtenue peut être utilisée dans l’industrie chimique, comme combustible dans des centrales thermiques ou simplement être un carburant à condition d’y ajouter de l’hydrogène et d’y retirer certaines impuretés. L’institution d’économie industrielle américaine RAND Corporation estime, en conséquence, le coût de la production d’un baril de pétrole dans un tel complexe à soixante-dix $. Ce coût tombant à moins de quarante dollars si la production atteint un milliard de barils annuel. Néanmoins, l’exploitation industrielle de ces schistes bitumineux ne devrait pas commencer avant la déplétion des sables bitumineux canadiens auxquels les États-Unis d’Amérique accèdent sans restriction en vertu de l’A.L.E.N.A... Bref, les passerelles entre les procédés d’extraction des sables bitumineux, du gaz de schiste, du pétrole de schiste et de l’huile de schiste sont multiples, au point que le mix énergétique des combustibles fossiles globalise les ressources et intègre entre eux les procédés.

L’évolution et les prévisions de la consommation énergétique mondiale

Voilà comment la production du pétrole non conventionnel s’accroît en se simplifiant, tandis que les fluctuations des prix pétroliers ont une moindre incidence sur l’économie des marchés émergents. Par exemple, l’année 2012, 87 % de la production énergétique mondiale est d’origine fossile à raison de 33 % pour le pétrole, 30 % pour le charbon et 24 % pour le gaz naturel. Compte tenu de ces quelques chiffres, à fortiori si l’on s’en tient au paradoxe de Jevons énonçant que la consommation énergétique globale augmente en proportion de l’efficacité énergétique, on comprend mieux pourquoi la poursuite continuelle de leur exploitation posera à terme un problème écologique mondial. Car ces combustibles fossiles dégradent d’une manière certaine l’écosystème à travers les opérations d’extraction, de raffinage et de combustion. Et celles-ci émettent assurément de grande quantité de gaz à effet de serre responsable de l’augmentation de la température moyenne des océans et de l’atmosphère terrestre. Par conséquent, la seule maîtrise de la consommation ne suffira pas. L’atténuation de la déplétion des combustibles fossiles ne pourra se faire sans d’autres énergies.

Le problème est qu'un retard a déjà été pris. La production des énergies renouvelables ne constitue que 8,5 % du total mondial l’année 2012 en y incluant les énergies hydroélectriques (6,6 %), éolienne (0,9 %), solaire (0,2 %), biomasse et géothermique (0,8 %). À titre de comparaison, alors que la puissance nette moyenne mondiale d’un seul réacteur nucléaire approche les huit cent cinquante mégawatts, les deux cents éoliennes de la plus puissante ferme au monde à Gansu en R.P.C. ne disposent que d’une capacité maximum de quatre cents mégawatts-crêtes. De même, la plus puissante centrale solaire photovoltaïque, la Huanghe Hydropower à Golmud en R.P.C., produit au mieux quatre cent cinquante mégawatts-crêtes. De son côté, le cumul de la production des cellules photovoltaïques atteint trente-huit mille mégawatts-crêtes sur la seule année 2013 pour un parc mondial ne totalisant pas plus de cent quarante mille mégawatts-crêtes. Quant au solaire thermique, qui se distingue de l’énergie photovoltaïque en convertissant le rayonnement solaire en énergie calorifique, sa croissance reste lente. La plus puissante centrale solaire thermique, «Ivanpah solar electric generating system» dans le désert californien de Mojave, ne produit que quatre cents mégawatts-crêtes sur les modestes sept mille cinq cents mégawatts-crêtes du parc mondial. En outre, la puissance de ces fermes éoliennes ou solaires n’est pas leur plus grand problème dans la mesure où leur facteur de charge ne cesse de varier. Le facteur de charge de la totalité des centrales solaires photovoltaïques américaines, qui oscille entre 13 % et 20 % sur une année, supporte difficilement la comparaison avec celui des centrales nucléaires françaises proche de 75 %, sur plusieurs années. Mais ce n’est pas tout, puisqu’à cette intermittence des charges renouvelables, déstabilisatrice des flux des réseaux électriques actuels, s’ajoute l’éloignement des centres de production. La production d’énergie renouvelable à grande échelle exige manifestement un réseau de distribution d’électricité spécifique dans lequel le courant continu à haute tension (H.V.D.C.) transporterait l’électricité via des câbles enterrés ou sous-marins sur des centaines de kilomètres. Par exemple, le câble sous-marin H.V.D.C. NorNed, d’une capacité de sept cents mégawatts, relie déjà les Royaumes de Norvège et des Pays-Bas sur près de six cents kilomètres.

Les centrales solaires espagnoles PS10 et PS20

Toutefois, c’est le projet Desertec du Trans-Mediterranean Energy Coopération qui incarnait au mieux cette distribution d’électricité à grande échelle entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Dès l’année 2003, le Ministère fédéral allemand de l’environnement participait à son financement avant qu’un accord entre Desertec Industry Initiative et Medgrid (une association de gestionnaires de distribution d’électricité) ne renforce le Plan solaire initié par l’Union pour la Méditerranée. Selon les prévisions, Desertec aurait dégagé un excédent énergétique exportable de cent giga watts dès les premières années, autrement dit une capacité totale proche des cent trente giga watts du premier producteur mondial d’électricité : Électricité de France. Les technologies disponibles à l’assemblage d’un tel réseau électrique auraient bénéficié de la richesse d’un désert absorbant chaque année une énergie solaire équivalente à près d’un million et demi de barils de pétrole au kilomètre carré. L’exploitation de 5 % de la surface du Sahara aurait satisfait à la consommation mondiale d’électricité. La chose était bien évidemment loin d’être impossible étant donné la faible densité démographique du désert et ses quantités astronomiques de sable de silice utiles à la fabrication des cellules photovoltaïques. Mais dès l’opération militaire New Dawn et le retrait d’un des principaux partenaires, Desertec ne prévoyait plus qu’une infime partie de l’énergie produite en Afrique ne puisse être exportée en Europe.

Le réseau DESERTEC de production et de distribution d’énergies renouvelablesLa mesure du rayonnement solaire en mégajoules par mètre carré

Le repli des brigades américaines de combat stationnées en République d’Irak en septembre 2010, et celui de cinquante mille conseillers militaires en décembre 2011, ayant été suivi du «Printemps arabe». La dénomination «Printemps arabe» étant ici un abus de langage, car de violentes manifestations eurent aussi lieu en R.I.I. ou en République turque de Chypre du Nord. Toujours est-il que les guerres civiles syrienne, libyenne ou yéménite (cette dernière est épisodique depuis septembre 1962) se nourrissaient de ces émeutes dans quelques États arabes africains ou asiatiques. La révolution islamique, qui y prospérait, se confondit finalement avec la guerre civile irakienne de laquelle l’Organisation de l’État islamique en Irak et au Levant (O.E.I.I.L.) émergea. Dès avril 2013, cette organisation disposait d’un revenu annuel de plusieurs milliards de $ issus des ventes de pétrole (38 %), de gaz naturel (17 %), de ciment (10 %), de phosphate (10 %) et de produits agricoles. Desertec est donc totalement abandonné en août 2014 quand l’O.E.I.I.L. s’étend en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye (les moudjahidines de Majilis Choura Chabab al-Islam), au Nigeria (Boko Haram) et aux îles Philippines (Abou Sayyaf).

Aussi, l’opposition de l’O.E.I.I.L. à la révolution islamique chiite l’amène jusqu'à revendiquer les attentats de Téhéran contre le parlement, puis ceux du Khuzestan contre une parade militaire, quelques années après les premiers attentats de l’organisation Joundallah contre les Gardiens de la révolution islamique au Baloutchistan. Cette confrontation dégénère même en un conflit armé quand la R.I.I., coincée entre l’O.E.I.I.L. et l’Organisation Al-Qaïda d’Afghanistan, ordonne le déploiement de ses soldats d’élites de la Force Al-Qods à Samarra, Bagdad et Karbala. La R.I.I. y arme aussi plus cent mille soldats Hachd al-Chaabi, dont l’objectif est d’instaurer un gouvernement islamique chiite en Irak. Parmi eux, l’organisation Badr intègre ses cinquante mille soldats à la Force Al-Qods alors que l’armée russe fournit des armes de dernière génération aux milliers de soldats du Kataeb Hezbollah. Enfin, toutes ces milice aidées des forces aériennes de l’O.N.U parviennent à défaire les cent mille djihadistes de l’O.E.I.I.L. en Irak, puis en Syrie à partir de novembre 2017. Quant à la guerre civile yéménite, elle semble moins préoccuper la communauté internationale du fait de sa complexité, de sa durée et des parties prenantes au conflit. On y retrouve les aspects d’une guerre par procuration entre l’O.E.I.I.L., l’Organisation Al-Qaïda dans la péninsule arabique, une coalition d’États à majorité sunnite et les Houthis chiites. De facto, les révolutions islamiques n’ont pas seulement «gonflé» les prix du pétrole, elles ont aussi mis fin à un possible réseau mondial de distribution d’énergies renouvelables.

Bref, ce «Printemps arabe» a surtout profité à la R.I.I., ou du moins à la population chiite, qui ajoute les réserves pétrolières irakiennes à ses immenses réserves gazières pour devenir le quatrième pays producteur de pétrole avec près de 400 millions de tonnes par an. Une production la plaçant juste derrière les États-Unis d’Amérique, le Royaume d’Arabie Saoudite et la Russie. Chacun produisant un peu plus de cinq cent cinquante millions de tonnes par an. De ce fait, la R.I.I. n’est plus obligée de compter uniquement sur ses réserves gazières pour lui assurer des revenus. Et à condition de ne pas faire l’objet d’un embargo, ses exportations pétrolières vont pour moitié en R.P.C. et en Inde, alors qu’un quart va en République de Corée et au Japon. On comprend dès lors bien mieux à quel point la géopolitique peut être un obstacle à la croissance des énergies renouvelables, lors même qu’il en existerait des environnementaux. À ce propos, certains font valoir que la diminution moyenne, entre 5 % et 30 %, du rayonnement solaire à la surface terrestre serait dû à la combustion d’énergies fossiles. L’augmentation du taux moyen d’aérosols carbonés dans l’atmosphère prendrait la forme d’un ensemble de fines particules en suspension dans un milieu gazeux qui disperserait, absorberait et réfléchirait les rayonnements solaires. Un tel phénomène aurait pour incidence un refroidissement du climat terrestre et une difficulté accrue à l’exploitation de l’énergie solaire. L’Indian Ocean Experiment, le Programme des Nations unies pour l’environnement, a d’ailleurs identifié un nuage brun en Asie, dont l’épaisseur de trois mille mètres s’étendrait sur une surface égale à celle des États-Unis d’Amérique. Ce sont aussi ce genre de difficultés, d'une nouvelle complexité, qui empêcherait les énergies renouvelables de plus vite se développer pour compenser intégralement la part des énergies fossiles.

Et si ces énergies renouvelables ne peuvent neutraliser, à elles seules et à temps, la déplétion globale des combustibles fossiles, la question de la faisabilité de la fusion nucléaire se pose. Tout spécifiquement dans le cas de l’éjection d’un neutron convertible en électricité après la fusion des atomes de deutérium et de tritium. Les ressources terrestres disponibles pourraient de cette manière assurer une production électrique quasi-illimitée. Les difficultés à cette éjection d’une ou plusieurs particules sous la forme d’énergie cinétique, lors d’une transmutation d’atomes légers en un atome plus lourd, sont cependant nombreuses. Son écueil principal est lié au confinement de la réaction nucléaire dont les technologies de contrôle se résument au confinement magnétique, au confinement inertiel par laser, au confinement inertiel électrostatique et au magnetized liner inertial fusion. Schématiquement, dans le cas du confinement magnétique, des champs magnétiques répartissent un plasma à l’intérieur d’une chambre torique. De son côté, le confinement inertiel se sert d’un faisceau laser contre la paroi externe d’une bille de combustible pour concentrer sa masse à très haute température grâce à une onde de choc centripète opposée à l’expansion du plasma. Mais il n’existe encore aucune application civile et, plus que pour toute autre énergie, la question de la rentabilité industrielle est cruciale. La fusion n’est profitable qu’au delà du «break-even» quand l’énergie de la réaction nucléaire surpasse l’énergie extérieure consommée. Or, seuls quelques prototypes d’expérimentation du confinement magnétique, tels que le tokamak japonais JT-60, l’ont déjà passé.

Le schéma du Tokamak japonais JT-60Le schéma de la fusion entre les atomes de deutérium et de tritium
Les processus du confinement inertiel

Ainsi, seul le rendement de 1,7 du laser américain National Ignition Facility l’année 2014 aurait pu en faire un candidat idéal si son usage militaire ne l’avait pas destiné au test des bombes thermonucléaires sans étage de fission nucléaire improprement dites «propres». Malgré cela, d’autres projets scientifiques étudient toujours une faisabilité civile. L’International Thermonuclear Experimental Reactor (I.T.E.R.) associe par exemple plus de trente États à la construction d’un tokamak dont la phase d’exploitation devrait débuter au mieux l’année 2025 et s’achever au plus tôt l’année 2035. Cette chambre torique contribuera à des tests technologiques de quelques minutes indispensables à la construction du réacteur expérimental Demonstration Power Plant. Enfin, ce réacteur devrait développer une puissance de mille cinq cents mégawatts dans la seconde moitié du XXI ème siècle. En tout cas, espérons que cette production électrique ne se heurte pas aux mêmes difficultés que les énergies renouvelables, en particulier celle d’établir un réseau de distribution électrique trop spécifique.



Cette production industrielle d’électricité pourrait ainsi complémenter un mix énergétique afin que l’aventure des véhicules électriques, aussi vite débutée qu’interrompue à la fin du XIX ème siècle, puisse donner à la Porsche P1 une digne descendance.

Egger-Lohner C2 Phaeton, dite Porsche P1, 1898Moteur-roue électrique Lohner Porsche, 1900

Pour conclure, les stratégies en matière de globalisation, qu’elles soient financières ou énergétiques, sont à très long terme ; Le plus souvent conjointement menées par les administrations privées et publiques. Mais aujourd'hui, le temps paraît compter. Au moment où la globalisation montre certaines limites, le point capital est que l'humanité prenne enfin conscience de la dimension des enjeux auxquels elle doit faire face. Peut-être que la fin des énergies fossiles mettra fin au réchauffement climatique, au risque d'une nouvelle période glaciaire, à moins que la prolifération nucléaire nous rattrape ou que la conquête spatiale résolve ces problèmes. Quoi qu'il en soit "always look on the side of life".



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